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Ainsi donc, j’en viens au cœur de mon argumentation. Veuillez me pardonner. Alors même que je grave mes mots dans l’acier, assis dans cette caverne gelée, j’ai tendance à digresser.

 

Description : 058

 

Sazed regarda les volets des fenêtres, notant les rayons de soleil hésitants qui commençaient à briller à travers les fentes. Déjà le matin ? se dit-il. Nous avons étudié toute la nuit ? La chose semblait à peine possible. Bien qu’il n’ait pas puisé dans sa réserve d’éveil, il se sentait plus alerte – et plus vivant – que depuis des jours.

Tindwyl était assise dans le fauteuil voisin du sien. Le bureau de Sazed était rempli de feuilles volantes, avec deux jeux d’encre et de plumes en attente d’utilisation. Il n’y avait pas de livres ; les Gardiens n’en avaient pas besoin.

— Ah ! s’exclama Tindwyl, qui s’empara d’une plume et se mit à écrire.

Elle non plus ne paraissait pas fatiguée, mais elle avait certainement puisé dans la réserve d’éveil de son cerveau de bronze.

Sazed la regarda écrire. Elle paraissait presque redevenue jeune ; il n’avait pas vu chez elle une telle surexcitation depuis son abandon par les Reproducteurs une dizaine d’années auparavant. Ce jour-là, sa grande œuvre terminée, elle avait enfin rejoint les autres Gardiens. Sazed était celui qui lui avait présenté l’intégralité du savoir recueilli lors de ses trente années passées à procréer en captivité.

Il ne lui avait guère fallu de temps pour obtenir une place au Synode. Mais Sazed venait alors d’en être chassé.

Tindwyl termina d’écrire.

— Ce passage provient d’une biographie du roi Wednegon, dit-elle. C’était l’un des quelques souverains qui ont résisté au Seigneur Maître de manière significative.

— Oui, je le connais, répondit Sazed en souriant.

Elle marqua un temps d’arrêt.

— Évidemment.

De toute évidence, elle n’avait pas l’habitude d’étudier avec quelqu’un qui avait accès à autant d’informations qu’elle. Elle poussa le passage écrit en direction de Sazed ; même avec ses notes et ses index mentaux, il serait plus rapide pour elle de rédiger l’extrait qu’il ne le serait pour lui de chercher à le retrouver dans ses cerveaux de cuivre.

J’ai passé beaucoup de temps avec le roi lors de ses dernières semaines, disait le texte.

Il paraissait frustré, comme l’on peut l’imaginer. Ses soldats ne pouvaient résister aux koloss du Conquérant, et ses hommes avaient été régulièrement repoussés depuis ApreCime. Cependant, le roi n’en rejetait pas la faute sur ses soldats. Il attribuait son problème à une tout autre cause : la nourriture.

Il mentionna plusieurs fois cette idée lors de ces derniers jours. Il estimait qu’il aurait pu résister s’il avait disposé de davantage de nourriture. Sur ce point, Wednegon accusait l’Insondable. Car, bien que l’Insondable ait été vaincu – ou du moins affaibli –, son influence avait épuisé les réserves de nourriture de Darrelnai.

Son peuple ne pouvait à la fois cultiver de la nourriture et résister aux armées démoniaques du Conquérant. Ce fut, en fin de compte, ce qui provoqua sa chute.

 

Sazed hocha lentement la tête.

— De quelle quantité de texte disposons-nous ?

— Pas beaucoup, répondit Tindwyl. Six ou sept pages. C’est le seul passage qui mentionne l’Insondable.

Sazed garda un moment le silence, relisant ces paragraphes. Enfin, il leva les yeux vers Tindwyl.

— Vous pensez que lady Vin a raison, n’est-ce pas ? Vous croyez que l’Insondable est la brume.

Tindwyl hocha la tête.

— Je suis d’accord, dit Sazed. Au minimum, ce que nous appelons à présent « l’Insondable » était une forme ou une autre de transformation de la brume.

— Et vos arguments précédents ?

— Ils ont été démentis, répondit-il en reposant sa page. Par vos propos et mes propres recherches. Je ne souhaitais pas que ce soit vrai, Tindwyl.

Elle haussa un sourcil.

— Vous avez défié le Synode une fois de plus pour partir enquêter sur quelque chose que vous ne vouliez même pas croire ?

Il la regarda droit dans les yeux.

— Il y a une différence entre redouter quelque chose et le désirer. Le retour de l’Insondable pourrait bien nous détruire. Je ne voulais pas cette information – mais je ne pouvais pas davantage laisser passer l’occasion de la découvrir.

Tindwyl détourna le regard.

— Je ne crois pas que ça nous détruira, Sazed. Vous avez fait une grande découverte, je suis prête à le reconnaître. Les écrits de ce Kwaan nous apprennent beaucoup. Si l’Insondable est effectivement la brume, alors notre compréhension de l’Ascension du Seigneur Maître s’en trouve nettement grandie.

— Et si les brumes gagnent en puissance ? demanda Sazed. Si, en tuant le Seigneur Maître, nous avions également détruit la force, quelle qu’elle soit, qui gardait les brumes enchaînées ?

— Nous n’avons aucune preuve que les brumes sortent de jour, répondit Tindwyl. Quant à la possibilité qu’elles tuent les gens, nous n’avons que vos théories hésitantes.

Sazed détourna le regard. Sur la table, ses doigts avaient étalé les mots rédigés à la hâte par Tindwyl.

— C’est vrai, répondit-il.

Tindwyl soupira tout bas dans la pièce mal éclairée.

— Pourquoi ne vous défendez-vous jamais, Sazed ?

— Quelle défense y aurait-il ?

— Il doit bien y en avoir. Vous vous excusez et demandez le pardon, mais votre apparente culpabilité ne semble jamais changer votre comportement ! Ne pensez-vous jamais que, si vous vous exprimiez plus franchement, vous pourriez diriger le Synode ? Ils vous ont chassé parce que vous refusiez de présenter des arguments en votre propre nom. Vous êtes le rebelle le plus contrit que j’aie jamais connu.

Sazed ne répondit pas. Il jeta un coup d’œil sur le côté et vit son regard inquiet. Un regard magnifique. Quelles pensées idiotes, songea-t-il en détournant le regard. Tu l’as toujours su. Certaines choses sont destinées à d’autres, jamais à toi.

— Vous aviez raison au sujet du Seigneur Maître, Sazed, reprit Tindwyl. Peut-être les autres vous auraient-ils suivi si vous aviez été simplement un peu plus… insistant.

Sazed secoua la tête.

— Je ne suis pas un homme comme ceux de vos biographies, Tindwyl. Je ne suis même pas réellement un homme.

— Vous en êtes un bien meilleur qu’eux, Sazed, dit doucement Tindwyl. Mais le plus frustrant, c’est que je ne suis jamais parvenue à déterminer pourquoi.

Ils se turent. Sazed se leva et se dirigea vers la fenêtre, dont il ouvrit les volets pour laisser entrer la lumière. Puis il éteignit la lampe de la pièce.

— Je vais partir aujourd’hui, déclara Tindwyl.

— Partir ? répéta Sazed. Les armées ne vous laisseront peut-être pas passer.

— Je ne comptais pas chercher à les esquiver, Sazed. Je compte leur rendre visite. J’ai transmis un savoir au jeune lord Venture ; je dois offrir une aide semblable à ses adversaires.

— Ah, répondit Sazed. Je vois. J’aurais dû m’en douter.

— Je doute qu’elles m’écoutent comme lui l’a fait, déclara Tindwyl dont la voix se teintait d’une nuance affectueuse. Venture est un homme de valeur.

— Un roi de valeur, précisa Sazed.

Tindwyl ne répondit pas. Elle regarda la table et les notes qui s’y éparpillaient, chacune tirée de l’un ou l’autre de leurs cerveaux de cuivre, rédigées à la hâte, puis montrées et relues.

Alors qu’était cette nuit ? Cette nuit d’étude, cette nuit passée à partager nos idées et nos découvertes ?

Elle était toujours belle. Avec ses cheveux auburn grisonnants, mais qu’elle gardait longs et raides. Son visage marqué par une vie d’épreuves qui ne l’avaient pas brisée. Et ses yeux… des yeux perçants, contenant le savoir et l’amour de l’érudition qui étaient propres aux seuls Gardiens.

Je ne devrais pas réfléchir à ces choses-là, songea de nouveau Sazed. Elles n’ont aucun but. Elles n’en ont jamais eu.

— Dans ce cas, vous devez y aller, dit-il en se retournant.

— Cette fois encore, vous refusez de vous défendre.

— À quoi bon ? Vous êtes quelqu’un de sage et de déterminé. Vous devez vous laisser guider par votre propre conscience.

— Parfois, les gens ne semblent résolus à suivre une voie que parce qu’on ne leur a pas offert d’autre choix.

Sazed se retourna vers elle. Le silence régnait dans la pièce, et les seuls bruits provenaient de la cour, en bas. Tindwyl était assise à moitié éclairée par la lumière du soleil, qui illuminait progressivement sa robe de couleur vive à mesure que les ombres se dissipaient lentement. Elle paraissait sous-entendre quelque chose, qu’il ne s’était pas attendu à entendre un jour de sa part.

— Vous me déroutez, dit-il en posant lentement ses mains contre le dossier de son siège. Et votre devoir de Gardienne ?

— Il est important, reconnut-elle. Mais… certaines occasions exceptionnelles doivent être autorisées. Ce décalque que vous avez découvert… eh bien, il mérite peut-être que je l’étudie davantage avant de repartir.

Sazed l’observa, s’efforçant de déchiffrer son regard. Qu’est-ce donc que j’éprouve là ? se demanda-t-il. De la perplexité ? De la sidération ?

De la peur ?

— Je ne peux être ce que vous souhaitez, Tindwyl, murmura-t-il. Je ne suis pas un homme.

Elle agita la main d’un air indifférent.

— J’ai eu bien plus qu’assez des « hommes » et de la procréation au fil des ans, Sazed. J’ai accompli mon devoir envers le peuple terrisien. J’apprécierais de me tenir quelque temps à l’écart de lui, je crois. Une partie de moi lui en veut pour ce qu’on m’a fait.

Il ouvrit la bouche pour parler, mais elle leva la main.

— Je sais, Sazed. J’ai accepté ce devoir moi-même, et je suis heureuse de l’avoir fait. Mais… lors des années passées seule, où je ne rencontrais que rarement les Gardiens, j’ai conçu une certaine frustration dans le fait que tous leurs projets semblent destinés à maintenir leur statut de peuple conquis.

» Je n’ai jamais vu qu’un seul homme pousser le Synode vers des mesures actives. Tandis qu’ils réfléchissaient aux moyens de rester cachés, un homme voulait attaquer. Tandis qu’ils décidaient de la meilleure manière de contrecarrer les projets des Reproducteurs, lui voulait mettre au point la chute de l’Empire Ultime. Lorsque j’ai rejoint mon peuple, j’ai découvert que cet homme-là se battait encore. Seul. Condamné à fraterniser avec des voleurs et des rebelles, il acceptait son châtiment sans ciller.

Elle sourit.

— Cet homme a contribué à nous libérer tous.

Elle lui prit la main. Sazed s’assit, stupéfait.

— Les hommes sur lesquels j’ai lu, Sazed, poursuivit doucement Tindwyl, n’étaient pas de ceux qui restaient assis à réfléchir aux meilleures manières de se cacher. Ils se battaient ; ils cherchaient la victoire. Parfois, ils se montraient téméraires – et d’autres les traitaient d’idiots. Mais lorsque les dés étaient jetés et les corps recensés, c’étaient des hommes qui changeaient les choses.

Le soleil éclaira pleinement la pièce et elle demeura immobile, enveloppant sa main dans la sienne. Elle paraissait… anxieuse. Avait-il jamais vu cette émotion chez elle ? Elle était forte, la femme la plus forte qu’il connaisse. Cet éclat qu’il lisait dans ses yeux ne pouvait être de l’appréhension.

— Donnez-moi une excuse, Sazed, murmura-t-elle.

— Je… j’apprécierais beaucoup que vous restiez, dit-il, une main toujours dans la sienne, l’autre reposant sur la table, les doigts tremblant légèrement.

Tindwyl haussa un sourcil.

— Restez, dit-il de nouveau. S’il vous plaît.

Tindwyl sourit.

— Très bien – vous m’avez convaincue. Dans ce cas, reprenons nos recherches.

 

Elend marchait au sommet du rempart de la ville à la lumière matinale, l’épée qu’il portait au flanc cliquetant à chaque pas contre la maçonnerie.

— Vous avez presque l’air d’un roi, observa une voix.

Elend se retourna tandis que Ham gravissait les dernières marches menant à la passerelle. L’air était vif et le givre dessinait des ombres cristallines sur la pierre. L’hiver approchait. Peut-être était-il déjà là. Pourtant, Ham ne portait pas de cape – rien que son gilet, pantalon et sandales habituels.

Je me demande s’il sait seulement ce que c’est d’avoir froid, se dit Elend. Le potin. Quel don incroyable.

— Vous me dites que j’ai presque l’air d’un roi, répondit Elend, qui se retourna pour continuer à marcher le long du mur tandis que Ham se joignait à lui. Il semblerait que les vêtements de Tindwyl aient fait des miracles au sujet de mon image.

— Je ne parlais pas de vos habits, précisa Ham. Mais de votre expression. Depuis combien de temps êtes-vous ici ?

— Des heures, répondit Elend. Comment m’avez-vous trouvé ?

— Les soldats. Ils commencent à vous voir comme un commandant, Elend. Ils regardent où vous êtes ; ils se redressent légèrement quand vous êtes dans les parages, ils astiquent leurs armes s’ils savent que vous allez passer.

— Je croyais que vous ne leur consacriez guère de temps.

— Oh, je n’ai jamais dit ça. Je passe beaucoup de temps avec les soldats – c’est simplement que je n’arrive pas à me montrer assez intimidant pour les commander. Kelsier voulait toujours faire de moi un général – je crois qu’au fond de lui-même, il estimait que se lier d’amitié avec les gens était inférieur au fait de les diriger. Peut-être qu’il avait raison ; les hommes ont besoin de meneurs. Simplement, je ne veux pas en être un.

— Moi si, dit Elend, surpris par ses propres paroles.

Ham haussa les épaules.

— C’est sans doute une bonne chose. Après tout, vous êtes roi.

— Plus ou moins.

— Vous portez toujours la couronne.

Elend hocha la tête.

— Il me manquait quelque chose, autrement. C’est idiot, je sais – je ne l’ai portée que brièvement. Mais les gens ont besoin de savoir que quelqu’un est toujours responsable. Pour encore quelques jours au moins.

Ils continuèrent à marcher. Au loin, Elend voyait une ombre se détacher sur le terrain : la troisième armée était enfin arrivée dans le sillage des réfugiés qu’elle avait envoyés. Leurs éclaireurs ignoraient pourquoi au juste l’armée des koloss avait tant tardé à atteindre Luthadel. Toutefois, le triste récit des villageois fournissait quelques indices.

Les koloss n’avaient attaqué ni Straff ni Cett. Ils attendaient. Apparemment, Jastes avait eu assez de contrôle sur eux pour les tenir en bride. Ils avaient donc rejoint le siège, telle une bête supplémentaire guettant l’occasion de bondir sur Luthadel.

Lorsqu’on ne peut pas avoir à la fois la liberté et la sécurité, que choisit-on… ?

— Vous paraissez surpris de découvrir que vous voulez diriger, fit remarquer Ham.

— Je n’avais encore jamais formulé ce désir, répondit Elend. Ça paraît tellement arrogant lorsque je le dis. Je veux être roi. Je ne veux pas qu’un autre prenne ma place. Ni Penrod ni Cett… ni personne d’autre. Cette place m’appartient. Cette ville est à moi.

— Je ne sais pas si « arrogant » est le terme adéquat, El, dit Ham. Pourquoi voulez-vous être roi ?

— Pour protéger ce peuple. Pour garantir sa sécurité – ainsi que ses droits. Mais aussi pour m’assurer que les aristocrates ne se retrouvent pas du mauvais côté d’une nouvelle rébellion.

— Ce n’est pas de l’arrogance.

— Mais si, Ham. Simplement une arrogance compréhensible. Je ne crois pas qu’un homme puisse gouverner sans en posséder. En fait, je crois que c’est ce qui m’a manqué pendant la majeure partie de mon règne. L’arrogance.

— La confiance en vous-même.

— Un mot plus poli pour désigner le même concept, dit Elend. Je peux faire beaucoup plus pour ce peuple que n’importe qui d’autre. Je dois simplement trouver un moyen de le lui prouver.

— Vous allez le trouver.

— Vous êtes un optimiste, Ham.

— Vous aussi.

Elend sourit.

— C’est vrai. Mais ce travail est en train de me transformer.

— Eh bien, si vous voulez le conserver, on ferait sans doute mieux de reprendre nos études. Il ne nous reste qu’une journée.

Elend secoua la tête.

— J’ai lu tout ce que j’ai pu, Ham. Comme je ne compte pas en tirer profit, il est inutile de chercher des failles, et chercher l’inspiration dans d’autres livres ne mène à rien. J’ai besoin de temps pour réfléchir. De temps pour marcher…

Ils continuèrent donc. Elend remarqua alors quelque chose au loin. Un groupe de soldats ennemis qui s’affairaient sans qu’il parvienne à distinguer ce qu’ils faisaient. Il demanda à l’un de ses hommes d’approcher.

— De quoi s’agit-il ? demanda-t-il.

Le soldat s’abrita les yeux pour regarder.

— Il semblerait qu’il y ait une nouvelle escarmouche entre les hommes de Cett et ceux de Straff, Majesté.

Elend haussa un sourcil.

— Ça se produit souvent ?

Le soldat haussa les épaules.

— De plus ou plus souvent, ces temps-ci. En règle générale, les patrouilles d’éclaireurs se croisent par hasard et se battent. Elles laissent quelques cadavres lorsqu’elles se retirent. Rien de trop grave, Majesté.

Elend hocha la tête et le congédia. Ça l’est bien assez, au contraire, songea-t-il. Ces armées doivent être aussi tendues que nous. Les soldats ne doivent pas apprécier de rester aussi longtemps en état de siège, surtout par ce temps hivernal.

Ils étaient tout près. L’arrivée des koloss ne ferait que susciter encore davantage de chaos. S’il s’y prenait avec assez d’habileté, Straff et Cett se retrouveraient poussés vers une bataille frontale. J’ai simplement besoin d’un peu plus de temps ! se dit-il tout en continuant de marcher, Ham à ses côtés.

Mais il lui fallait d’abord récupérer son trône. Sans cette autorité, il n’était rien – et ne pouvait rien faire.

Ce problème le rongeait. Mais tandis qu’ils marchaient, il se laissa distraire par quelque chose – cette fois, à l’intérieur des murs plutôt qu’à l’extérieur. Ham avait raison : les soldats se redressaient bel et bien quand Elend approchait d’eux. Ils le saluaient, et lui les gratifiait d’un signe de tête, marchant avec la main sur le pommeau comme Tindwyl le lui avait appris.

Si je conserve mon trône, se dit-il, je le devrai à cette femme. Bien sûr, elle l’aurait réprimandé pour avoir eu cette pensée. Elle lui dirait qu’il conservait son trône parce qu’il le méritait – parce qu’il était roi. Pour se transformer lui-même, il s’était contenté d’employer les ressources à portée de main afin de venir à bout de ses défis personnels.

Il ignorait s’il parviendrait un jour à voir les choses ainsi. Mais l’ultime leçon qu’elle lui avait donnée la veille – il devinait que c’était la dernière sans savoir comment – ne lui avait appris qu’un nouveau concept : il n’existait pas un moule unique pour former les rois. Il ne ressemblerait pas aux rois du passé, pas davantage qu’à Kelsier.

Il serait Elend Venture. Étant donné qu’il trouvait ses racines dans la philosophie, on se souviendrait de lui comme d’un érudit. Il avait tout intérêt à tirer profit de cet avantage, faute de quoi on l’oublierait. Aucun roi ne pouvait reconnaître ses propres faiblesses, mais il était certainement judicieux d’admettre ses forces.

Et quelles sont les miennes ? se demanda-t-il. Pourquoi faudrait-il que ce soit moi qui gouverne cette ville et celles qui l’entourent ?

Oui, il était un érudit – et un optimiste, comme Ham l’avait observé. Il n’avait rien d’un duelliste virtuose, même s’il progressait. Ni d’un excellent diplomate, bien que ses rencontres avec Straff et Cett aient démontré qu’il était capable de tirer son épingle du jeu.

Qu’était-il, dans ce cas ?

Un noble qui aimait les skaa. Ils l’avaient toujours fasciné, même avant la Chute – avant qu’il rencontre Vin et les autres. S’efforcer de prouver qu’ils ne différaient guère des hommes de noble naissance avait été l’un de ses jeux philosophiques préférés. Ce qui lui semblait idéaliste, et même un peu pompeux, quand il y réfléchissait – à dire vrai, une grande partie de son intérêt pour les skaa avant la Chute avait été d’ordre théorique. Comme ils étaient inconnus, ils lui semblaient exotiques et intrigants.

Il sourit. Je me demande ce qu’auraient pensé les ouvriers de plantations si on leur avait dit qu’ils étaient « exotiques ».

Mais la Chute était survenue ensuite – la rébellion prédite par ses livres et théories devenue réalité. Ses croyances n’avaient pas pu subsister sous forme de simples abstractions théoriques. Et il en était venu à connaître les skaa – pas simplement Vin et la bande, mais les ouvriers et les serviteurs. Il avait vu l’espoir commencer à croître en eux. Il avait vu l’éveil de l’amour-propre et de la confiance chez la population de la ville, ce qui le grisait.

Il n’allait pas les abandonner.

C’est ce que je suis, se dit Elend qui s’arrêta de marcher le long du mur. Un idéaliste. Un idéaliste porté sur l’emphase qui n’a jamais, malgré ses livres et ses études, fait un très bon aristocrate.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Ham qui s’arrêta près de lui.

Elend se retourna vers lui.

— J’ai une idée, déclara-t-il.

Le puits de l'ascension
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